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Si Marx ne prisait guère la Révolution française costumée à l'antique, les partis marxistes du Front populaire coiffèrent le bonnet phrygien. Mieux : pour prendre leurs nouvelles Bastilles, ils levèrent le poing, défilèrent en chœur et colorèrent les chemises de leurs jeunes troupes. Sans doute, cette activation du symbolique combat la contagion des gesticulations du fascisme. Mais Philippe Burrin sait lire de l'inquiétude et des faiblesses dans ces manifestations spectaculaires de l'espoir de « 36 ».

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Le champ du Front populaire a été, pour l'essentiel, tourné et retourné par les historiens. La conclusion de l'alliance entre le Parti socialiste et le Parti communiste à l'été 1934, son élargissement au Parti radical l'année suivante, la victoire électorale et l'expérience gouvernementale, tout cela a fait l'objet de travaux érudits qui ont mis en lumière les calculs et les œillères des principaux acteurs, la confrontation des idéologies et la pression des structures, les espoirs et les inquiétudes des différents secteurs de l'opinion publique. Pourtant, et paradoxalement si l'on considère sa situation éminemment visible, un secteur de ce champ est resté en friche : celui du Front populaire comme lieu de production et de consommation de symboles politiques, comme période privilégiée d'effervescence symbolique et rituelle telle qu'il n'y en eut pas de comparable dans la France de ce siècle.

Le spectaculaire succès d'un geste comme le poing levé, la mise en scène de manifestations et de fêtes grandioses, la réappropriation massive de la tradition révolutionnaire nationale, autant d'expressions d'une activation symbolique qui donna au paysage politique des années 1934-1936 son visage particulier. Composante de la réalité vécue par de nombreux Français, cette activation fut, avec les nuances que l'on verra, le produit d'une politique délibérée de la part des partis ouvriers, une politique dont tout le propos était de resserrer la réunion des fidèles par le partage d'une identité et d'une finalité émotionnellement éprouvées, de rehausser la dimension communautaire plutôt qu'associative de leur engagement. L'essai qui suit n'a d'autre ambition que d'explorer sous cet angle la démarche des deux partis marxistes français dans le cadre de leur lutte antifasciste. Avant d'y venir par le détour de l'expérience de l'Allemagne de Weimar qui fut en quelque sorte le laboratoire de tout ce phénomène, il faut commencer par situer le mouvement marxiste dans son attitude envers le symbolisme politique et rappeler la position de cet ennemi fasciste qui le défiait.

 

Transparence marxiste et scénographie fasciste

Fils du rationalisme des Lumières, le marxisme a traditionnellement tenu en défiance les symboles et les rituels politiques. Marx eut en horreur les tentatives faites par certains révolutionnaires français et par certains socialistes utopistes de fonder une religion nouvelle. De la même façon, il rejeta l'univers chargé de symboles et de rituels des fraternités ouvrières, avec leurs cérémonies d'initiation, leur décorum et leurs serments, toutes choses où il voyait « l'autoritarisme de la tradition » [*1]1. De même, enfin, il dénonça les hommes de la Révolution française pour s'être costumés à l'antique ; par ce moyen, les bourgeois français s'étaient donné « les illusions dont ils avaient besoin pour se dissimuler à eux- mêmes le contenu limité, bourgeois, de leurs luttes et pour élever leur enthousiasme au niveau de la grande tragédie historique ». Cette « résurrection des morts » opérée par les hommes de 1789, il ne la condamnait toutefois pas entièrement, dans la mesure où elle avait servi à « exagérer dans l'imagination la tâche à accomplir, non à fuir sa solution dans la réalité », à la différence de ce qui s'était produit dans la révolution de 1848, qui n'avait fait que rejouer sur le mode de la farce la tragédie de sa devancière. Dans tous les cas, concluait-il, la révolution sociale n'avait pas à « tirer sa poésie du passé, mais seulement de l'avenir » [*2]2.

Dans sa conception, la classe ouvrière effectuerait sa tâche historique sans avoir à recourir à une idéologie, au sens d'un voile mystificateur. Porteuse d'intérêts de classe, elle était aussi porteuse du salut universel, de sorte que son émancipation accomplirait du coup celle de l'humanité. La révolution prolétarienne, en somme, se ferait en suivant un projet transparent à ses acteurs ; la prise de conscience de son exploitation et de la nécessité historique de sa libération devait donner au prolétariat la vision claire de sa mission. Ce rationalisme profond ne dispensa pas le mouvement ouvrier d'inspiration marxiste d'adopter, dès le départ, une symbolique ; l'ampleur dramatique de l'objectif visé, l'intensité de l'engagement mis à le poursuivre, les résistances rencontrées devaient nécessairement amener à convoquer les ressources du symbole. Le drapeau rouge et le chant de L'Internationale, la célébration du 1er mai et la commémoration des morts, l'apprêt des congrès dans le sens d'un culte laïcisé (les bustes des grands hommes que l'on met à la place d'honneur et que viennent fleurir ou enrubanner des enfants ou des jeunes filles) [*3]3, tous ces éléments montrent que le mouvement marxiste ne dérogea pas à la règle commune. La place de la symbolique y demeura toutefois dans des bornes étroites, en comparaison de ce qu'il en fut chez les blanquistes, par exemple, qui devinrent les grands prêtres d'un véritable culte de la commémoration révolutionnaire [*4]3. La priorité resta à « l'analyse » et à la « théorie », et la symbolique elle-même, par son contenu, demeura chevillée au but d'émancipation. Les cortèges du 1er mai, avec leurs foules familiales, faisaient voir une force collective qui revendiquait ses droits en décidant la reconquête, pour un jour, de son temps et en prenant possession de l'espace public ; ils exprimaient en même temps une aspiration à la libération des contraintes d'un système d'exploitation, le refus de l'enrégimentement et de la rigidité des comportements.

L'héritage rationaliste du marxisme passa dans le communisme, mais il se trouva en quelque sorte affaibli par l'innovation introduite par Lénine. Avec la conception d'un parti d'avant-garde dont la mission était de conduire à la révolution des masses qui étaient, par leur niveau de conscience, incapables de dépasser le « trade-unionisme », réapparaissait la conception blanquiste d'une élite éduquant le peuple (pour Blanqui, « le peuple aura besoin pendant quelque temps d'un pouvoir révolutionnaire pour le mettre à même d'exercer ses droits » [*5]1). Tandis que les socialistes continuaient de concevoir leur tâche comme un travail d'éducation patiente de la conscience ouvrière, de développement progressif d'une force disciplinée, les communistes se fixaient pour objectif de mobiliser le monde ouvrier derrière une avant-garde qui aurait l'initiative et la conduite de la révolution. Jointe à une intensité révolutionnaire dont le socialisme ne montrait plus la pareille, cette conception engageait à un emploi plus large du symbolisme. La Révolution russe développant tout un appareil symbolique, en reprenant quelques-unes des pratiques de la Révolution française (serments collectifs, fêtes, commémorations), et en y ajoutant le culte de Lénine, il y eut pour les communistes une incitation, sans précédent dans le mouvement international d'avant 1914, à se servir du pouvoir attractif des symboles.

Dans la période 1934-1936, on verra se marquer cette différence dans le recours fait par les deux partis ouvriers à la dimension symbolique. Mais, d'abord, on ne saisirait pas le sens de ce recours si l'on ne soulignait pas à quel point il fut stimulé par le caractère de cet ennemi fasciste dont la menace apparaissait si vivement. Le fascisme avait, vis-à-vis du symbolisme, une attitude extrême, à l'exact opposé de celle des marxistes, et en accord complet avec ses fondements irrationalistes. Nul autre mouvement politique ne fit plus que lui usage des symboles et des rituels. Drapeaux, saluts, uniformes, cris et chants, parades et défilés, les torches dans la nuit et les cathédrales de lumière de Nuremberg, les mers de drapeaux accompagnant la marche cadencée des unités du parti : une inépuisable scénographie qui poussait l'individu à s'abandonner à l'ivresse des sentiments et à se livrer à la volonté du parti et de son chef.

Visant la formation d'une communauté inégalitaire, dirigée par un chef absolu et encadrée par la nouvelle élite que constituait le parti, le fascisme entendait assurer au nouvel ordre l'adhésion aveugle, spontanée et exclusive de tous les membres de la nation ; c'est à quoi devait concourir leur immersion réitérée dans un bain de symboles et de rituels destiné à imprégner leur imagination et à modeler leurs attitudes. A cela, tout fut bon, le fascisme faisant preuve d'une remarquable audace dans le détournement massif de toutes sortes de traditions : traditions religieuses, comme on peut le voir dans le culte rendu aux morts du parti, mais aussi traditions appartenant au mouvement ouvrier, à commencer par la récupération du 1er mai [*6]2. Par son succès, cette liturgisation du politique, qui accompagnait un activisme militarisé, représentait pour les partis ouvriers un redoutable danger et ils cherchèrent à y parer en retournant contre leur adversaire certaines de ses armes. Cette adaptation se fit en premier lieu dans l'Allemagne de Weimar. Comme les formules trouvées furent largement reprises par les partis ouvriers français après la victoire de Hitler, il n'est pas sans intérêt de les présenter.

 

Attirail paramilitaire de Weimar

La république de Weimar s'était établie dans le sillage de la défaite militaire, ce que n'oublia pas une droite nationaliste imprégnée des traditions autoritaires de l'Empire, et encore moins la nouvelle droite représentée par le parti nazi. L'agitation des corps francs, une succession de complots et de tentatives de coups d'Etat marquèrent dès le départ la vie politique de Weimar au sceau de la « politique paramilitaire » [*7]1. Les groupements de la droite nationaliste affirmaient dans leurs organisations uniformées et militarisées la continuité avec l'Empire et avec une guerre qu'ils refusaient de tenir pour perdue ; ce faisant, ils prétendaient appliquer à la société civile le moule militaire. Les nazis portaient à l'extrême cette tendance, en ne concevant plus pour la société d'autre modèle que celui d'une troupe de fanatiques aux ordres d'un chef absolu. Confrontés à cette nouvelle pratique politique, avec les risques de prise de pouvoir qu'elle impliquait et les affrontements qu'elle comportait, les partis de gauche réagirent en s'alignant sur l'exemple de leurs adversaires ; du même coup, ils généralisèrent un style politique qui marqua de façon proéminente le paysage de l'Allemagne dans ces années.

Face à l'agitation de la droite nationaliste, les partis ouvriers avaient organisé des groupements d'auto-défense ; ils ne s'en contentèrent pourtant pas, et en 1924, ils créèrent des organisations proprement paramilitaires. La première en date fut le Reichsbanner Schwarz-Rot-Gold ; mise sur pied conjointement par le SPD (Parti social- démocrate), le parti du Centre (catholique) et le DDP (Parti démocratique allemand), cette ligue de défense de la République fut dans les faits une organisation social-démocrate [*8]2. Son trait distinctif fut d'emprunter à ses adversaires une partie de leurs méthodes. Militairement organisée, elle défilait en formations uniformées et tenait de vastes rassemblements avec fanfares et drapeaux ; une imitation qui, bien entendu, se fit sans élever ce type d'organisation et de style en idéal politique. La formule rencontra un succès remarquable : avec trois millions et demi de membres selon ses propres chiffres, et probablement un million de membres actifs [*9]3, il faut constater que ce genre d'action politique séduisit largement les militants sociaux-démocrates.

Alerté par le succès immédiat rencontré par le Reichsbanner, le Parti communiste allemand (KPD) fonda la même année une organisation appelée Rote Frontkämpferbund (RFB). Le RFB était lui aussi une organisation formellement indépendante, ouverte à tous ceux qui étaient disposés à combattre les fascistes et à lutter contre la guerre impérialiste ; le contrôle du KPD s'exerçait sur lui en fait de façon bien plus étroite que celui du SPD sur le Reichsbanner. Dans tous les cas, les communistes dépassèrent largement les socialistes pour ce qui était de l'appropriation d'éléments symboliques. A l'uniforme et aux divers ingrédients de la parade militaire, ils ajoutèrent un serment prêté au drapeau, un cri — Rot Front ! —, enfin un salut promis à un grand avenir, le poing levé à hauteur de la tête, qu'un dessin de John Heartfield transforma en emblème de l'organisation [*10]4. Ce geste faisait pendant au salut fasciste que Hitler avait repris de l'exemple italien ; il lui donnait la réplique, exprimant résolution et combativité.

Cette reprise symbolique accompagnait un activisme décidé et exprimait la réalité de ce qu'un historien a appelé un « ethos militaire » propre [*11]1. Peu entravés par le pacifisme et l'humanitarisme qui imprégnaient la mentalité des socialistes, les communistes concevaient le RFB bien moins comme une organisation d'auto-défense que comme le noyau de la future armée rouge allemande ; de ce point de vue, le fait qu'il connut moins de succès que le Reichsbanner (on estime ses effectifs à 100 000 hommes) n'a qu'une importance secondaire. Sa valeur d'instrument de combat apparut avec éclat lorsque, après le passage de la IIIe Internationale à la ligne « classe contre classe » en 1927-1928, il fut engagé dans des confrontations directes avec la police. Interdit après les heurts du « mai sanglant » de 1929, qui fit plus de 30 morts, il continua illégalement son activité.

Le recours plus grand aux symboles que faisait le KPD trouvait un répondant dans l'emploi d'une propagande agressive et démagogique qui cherchait à jouer sur les émotions des masses. Tandis que le SPD faisait appel à la raison, aux sentiments de justice et de dignité, et dirigeait ses attaques contre des groupes d'hommes anonymes, le KPD s'en prenait à des individus nommément désignés qu'il transformait en figures symboliques contre lesquelles il cherchait à concentrer la colère et la haine des masses ; de façon générale, il tenait un discours fait de brutalité et de simplification outrancière [*12]2. Cette attitude allait de pair avec la mise à profit de nouvelles formes de propagande inspirées de l'exemple soviétique, qui étaient, elles aussi, propres à solliciter et à capter les sentiments : ainsi l'agit-prop, et surtout le cinéma dont un Willi Münzenberg, qui dirigeait le Secours rouge international, s'empressa de tirer parti (de façon générale, les deux partis ouvriers allemands firent usage du film, aussi bien sous la forme de documentaires que de long métrages, quelque dix ans avant leurs camarades français [*13]3).

 

Trois flèches contre une croix gammée

Par l'intensité, l'armement symbolique du RFB s'apparentait à celui de l'extrême droite nationaliste, en particulier du parti nazi. Son objet était semblablement de produire une identification émotionnelle avec le parti, de fortifier l'engagement intense des militants dans une lutte radicale contre le système capitaliste tout entier, une lutte qui devait mener à une victoire totale. Outre l'attirail paramilitaire, les éléments symboliques qui rapprochaient le plus les deux extrêmes étaient le culte des morts et le serment ; appartenant à une tradition immémoriale, ils étaient les mieux faits pour souder la communauté des esprits et des coeurs. Les socialistes commémoraient eux aussi leurs grands morts, mais il s'agissait de la célébration du souvenir de devanciers, d'une célébration qui ne cherchait pas en premier lieu à resserrer les rangs en vue d'une mobilisation et d'une action immédiates, comme il en allait pour les communistes et les nazis dont l'activisme, par les victimes qu'il faisait, venait en retour alimenter le culte des morts. Malgré une inspiration commune, l'appareil symbolique des deux partis extrêmes s'inscrivait toutefois au sein de structures de sens tout à fait autres. A la différence de ce qu'il en était chez les communistes, le serment était, chez les nazis, prêté à un homme, à un chef (tout comme le salut lui était adressé), en signe d'allégeance inconditionnelle à sa personne et à ses décisions. Quant à leur culte funèbre, il comportait une célébration de la mort comme valeur suprême qui était absente de la symbolique révolutionnaire. Au surplus et enfin, on ne saurait oublier que tout l'appareil symbolique des communistes allemands visait à produire une identification avec la Russie soviétique ; ainsi était- il d'usage de procéder à des échanges de drapeaux entre régiments du RFB et de l'armée rouge soviétique [*14]1.

Si le KPD garda une position en flèche par rapport à la social-démocratie, celle-ci fut amenée, à partir de 1930, à accentuer ses efforts d'adaptation symbolique en réponse à la spectaculaire montée en puissance du nazisme. En octobre 1931, elle créa, conjointement avec le Reichsbanner et la centrale syndicale social-démocrate ADGB, une nouvelle organisation de défense antifasciste, connue en français sous le nom de Front d'airain (Eiserne Front). Au modèle paramilitaire désormais bien rodé, le Front d'airain ajoutait de nouveaux éléments : un insigne, fait de trois flèches parallèles pointées obliquement vers le bas, un salut, bras tendu et poing fermé (on est proche du salut du RFB), enfin un cri (Freiheit !) [*15]2. Un homme semble avoir joué un rôle majeur dans l'appropriation de ces nouveaux éléments. Il s'agit du social- démocrate russe exilé en Allemagne, Serge Tchakhotine, un disciple de Pavlov, qui croyait pouvoir transposer en politique les leçons de son maître. Quoi qu'il en soit de la validité de ses bases « scientifiques », Tchakhotine était convaincu que seule la rivalité avec le nazisme sur son propre terrain de sollicitation et d'entraînement des émotions des masses pouvait permettre à la social-démocratie de lui résister victorieusement [*16]3. Ainsi inventa-t-il le signe des trois flèches, qui avait pour fonction première de barrer la croix gammée sur les murs et les affiches : la population devait par là comprendre qu'une force supérieure pouvait anéantir le nazisme et reprendre espoir et courage. L'adoption des nouvelles méthodes par le SPD lui-même se heurta aux résistances de la direction du parti, qui se borna à adopter, à l'été 1932, l'insigne des trois flèches.

Même si cette politique du symbole eut une ampleur limitée, et un emploi différencié selon les partis, elle n'en représentait pas moins une nouveauté dans l'histoire du mouvement ouvrier. L'uniformité vestimentaire, le comportement militarisé, le cri scandé accompagnant le geste mécanique, voilà qui était fort éloigné de sa tradition et qui traduisait un effritement de tout un univers idéologique. L'individu y tenait moins de place, inséré qu'il était dans un ordre auquel il devait se plier. La raison perdait en outre de son importance, dans toute la mesure où venaient au premier plan la chaleur du sentiment, l'instinct de lutte et de bataille. La politique tendait à dégénérer en participation rituelle à des manifestations de masses où, au milieu de flots de musique et de drapeaux, des hommes en uniforme goûtaient la puissance et l'ardeur de leur rassemblement. Sous la pression des circonstances, et surtout de celle de l'adversaire nazi, sous l'effet également des attentes et des désarrois de l'époque, l'accent avait glissé de l'éducation et de la prise de conscience vers l'intégration émotionnelle.

 

Importation du poing levé

La situation en France n'était pas comparable à celle de l'Allemagne de Weimar. Les traditions politiques étaient autres, tout comme les mentalités collectives. Si elle y fit son apparition, la politique paramilitaire ne s'implanta pas. Dans la France de Versailles, les esprits n'étaient guère portés à la chose militaire. L'arrivée — à retardement - de la dépression économique, coïncidant avec les difficultés de la majorité de gauche élue en mai 1932 et surtout avec l'inquiétude produite par l'arrivée de Hitler au pouvoir, créa pourtant une situation de crise dont le symptôme majeur fut l'agitation des ligues de droite. Les manifestations antigouvernementales culminèrent dans l'émeute du 6 février 1934, qui fit 15 morts et plus d'un millier de blessés. L'événement provoqua en retour une réaction de mobilisation à gauche qui fit le succès de la grève générale du 12 février ; il détermina aussi le développement d'une polarisation politique qui allait dans un premier temps favoriser la droite nationaliste, en particulier La Rocque et ses Croix de feu, avant de rebondir au bénéfice de la gauche.

Toute cette période fut placée, à gauche, sous le signe du danger fasciste. Les historiens ont beau jeu de faire valoir l'inexistence de ce danger, et, de fait, l'organisation des Croix de feu, la seule force qui comptait, doit être comparée au Stahlhelm bien plus qu'au parti nazi. Mais les contemporains, en particulier les militants des partis ouvriers, n'en jugeaient pas ainsi, qui avaient sous les yeux les exercices paramilitaires de La Rocque, vivaient dans un climat marqué par des heurts fréquents avec les groupements de l'extrême droite, et, surtout, avaient fortement présente à l'esprit la destruction du mouvement ouvrier en Allemagne et en Autriche. Dans tous les cas, aussi exagérée qu'elle puisse apparaître aujourd'hui, cette perception seule importe historiquement puisqu'elle orienta l'action politique et constitua le sens que les contemporains de gauche donnèrent à la période qu'ils vivaient. Sous ce point de vue, l'antifascisme eut en France une importance historique incomparablement plus grande que le fascisme.

C'est dans ce contexte de lutte antifasciste et de large mobilisation politique (comme en témoignent l'augmentation des effectifs des deux partis ouvriers et le succès spectaculaire des grandes manifestations de 1935-1936) que se produisit une croissance frappante du symbolisme politique. Le meilleur exemple en est la diffusion fulgurante du poing levé, un geste dont il vaut la peine, en introduction à la politique symbolique respective des deux partis marxistes, de retracer brièvement le cheminement. Le poing levé commença à marquer le paysage politique français en 1933, et il faut probablement prendre en compte le rôle joué, sur ce point comme sur d'autres, par les exilés antihitlériens. En tout cas, le PCF fut le véhicule principal de sa propagation, et le communisme allemand sa source d'inspiration. A partir de l'été 1933, L'Humanité commença à en faire régulièrement mention dans ses comptes rendus. Le 20 août 1933, il est question, significativement, de « poing dressé » : le vocabulaire n'est pas encore fixé. L'origine allemande du nouveau geste est par contre attestée : dans ses premières apparitions, le poing levé est accompagné du cri du RFB, Rot Front !, et il est d'ordinaire employé pour saluer le discours ou la présence de délégués du parti allemand [*17]1. Le poing levé exprimait la solidarité avec le parti frère persécuté, la résolution de poursuivre le combat. Sa réception signifiait que dans les conditions de 1933 l'expérience allemande commençait à parler aux communistes français ; le phénomène allait s'intensifier dans toute la mesure où la détérioration de la situation politique française parut confirmer la similitude des expériences.

A partir du tournant de 1934, la diffusion du nouveau geste semble avoir été encouragée par la direction du parti ; du moins L'Humanité en rapporte avec insistance la présence dans les réunions dont elle rend compte, comme si elle entendait le propager. Mais ce sont les événements de février qui allaient en populariser l'emploi et le répandre par cercles concentriques. Implanté dans les rangs communistes, il se propagea rapidement dans ceux de l'extrême gauche indépendante et dans l'aile gauche de la SFIO. Après la signature du pacte d'unité d'action entre les deux partis ouvriers, en juillet 1934, il s'étendit dans le gros des rangs socialistes. Sa diffusion fut probablement facilitée par le fait que le Parti communiste n'avait pas eu le temps de le marquer d'une empreinte exclusive, de sorte qu'il put servir de signe de ralliement aux antifascistes de tous bords et devenir successivement l'emblème de la coalition ouvrière entre juin 1934 et mai 1935, puis celui du Front populaire tout entier (encore que les radicaux, en dehors de l'aile gauche du parti, se soient dérobés à son emploi) [*18]1.

Le plus frappant est l'énorme succès qu'il rencontra en dehors des cercles militants, comme l'attestent photographies et films de l'époque. Des cortèges militants au Mur des fédérés en 1934 et 1935 aux foules de plusieurs centaines de milliers de personnes qui participèrent aux rassemblements du 14 juillet 1935 et aux fêtes de l'été 1936, on le voit se répandre quasi épidémiquement et se transformer en un rituel de masse comme il n'en y eut pas d'autre dans la France contemporaine. On le trouve alors utilisé dans une large gamme d'emplois rituels (avant tout chez les communistes, on le verra) : avec le cri « Front rouge ! », en accompagnement du chant de L'Internationale, en tant que salut adressé aux dirigeants du parti, en geste d'hommage funèbre, enfin en accompagnement des prestations de serment. Contre- gestuel du salut fasciste, le poing levé était devenu en France l'expression corporelle par excellence de l’antifascisme. Les militants y trouvaient le moyen de figurer leur résolution, leur volonté de combat, leur dévouement au parti, à ses chefs et à ses morts. La masse des sympathisants s'en emparèrent comme d'un moyen simple, net, approprié, d'exprimer leurs sentiments d'inquiétude, de colère, de combativité. A tous, par le partage d'un même acte d'engagement public, il faisait éprouver le resserrement des rangs, la chaleur du rapprochement et de la communion.

 

Socialistes enchemisés

Le poing levé n'était qu'un élément dans une tendance d'ensemble qui poussait les deux partis marxistes à donner une importance exceptionnelle à la dimension symbolique de leur action. Le Parti socialiste le fit toutefois d'une manière relativement réservée. La politique du symbole fut en son sein le fait de minorités, essentiellement des Jeunesses socialistes et de la fraction de gauche menée par Marceau Pivert, qui exerçait une influence importante sur la Fédération socialiste de la Seine [*19]2. Les événements de février jouèrent ici aussi un rôle crucial en poussant ces éléments avancés à réclamer une adaptation des méthodes de leur parti. Les débats du congrès de Toulouse en mai 1934 sont à cet égard révélateurs. Les dirigeants des JS exprimèrent de vives critiques à l'égard de leurs aînés, à qui ils reprochèrent de n'avoir rien fait pour attirer la jeunesse et la détourner de s'enrôler dans les organisations d'extrême droite. Selon René Dumont, au lieu de tenir aux jeunes un langage de « dévouement » et d'« esprit de sacrifice », les socialistes continuaient de donner « l'impression de discuter autour de vagues motions, autour de virgules » [*20]3. Quant à Pierre Bloch, il appela à répondre aux besoins d'action de la jeunesse. « Quand nous assistons aux défilés fascistes, est-ce qu'au fond de nous-mêmes, nous n'avons pas une sensation de tristesse ? Quand nous voyons défiler en rangs pressés ces jeunes gens, n'avons-nous pas le cœur serré, en pensant que si notre Parti avait eu un peu plus de dynamisme révolutionnaire, s'était préoccupé un peu plus de cette jeunesse au lieu de transformer nos sections en comités électoraux, cette jeunesse, elle, serait avec nous ? » [*21]1.

Les dirigeants des Jeunesses avaient d'eux-mêmes ajusté leurs méthodes en mettant sur pied, peu auparavant, une organisation d'auto-défense, les Jeunes gardes socialistes (JGS). Le congrès de Toulouse fut l'occasion de faire paraître la nouvelle formation, vêtue de chemises bleues, de cravates rouges et de bérets basques bleus [*22]2. Les Jeunesses socialistes de la Seine avaient été à la pointe de ce mouvement d'adaptation. Selon le rapport de leur commission executive, ils avaient « compris dès le début de 1934 que l'action éducative ne suffisait plus ». Désireux de faire de leur mouvement « un centre d'attraction et de rayonnement », ils avaient demandé à Serge Tchak- hotine, qui s'était réfugié en France où il était connu sous le nom de Dr Flamme, de leur « faire l'exposé de nouvelles méthodes de propagande établies rationnellement et scientifiquement » [*23]3. C'est ainsi qu'ils en vinrent à adopter, outre l'uniforme et l'évolution en formation paramilitaire, le salut poing levé, des cris rythmés (« Contre le fascisme ! JGS ! - Contre la guerre ! JGS ! - Pour le socialisme ! Révolution ! » [*24]4), enfin le symbole des trois flèches, dont ils se mirent à couvrir les murs de la capitale et qui allait devenir l'emblème du parti (et le rester jusqu'au tournant des années 1970).

Les critiques des Jeunesses socialistes à Toulouse traduisaient un climat plus large d'insatisfaction et d'inquiétude. Un socialiste de droite comme Jules Moch exprima lui aussi le malaise qu'il ressentait devant la difficulté du Parti socialiste à concurrencer le dynamisme de l'extrême droite. Donnant son appui aux conceptions planistes que la tendance Révolution constructive essayait alors de faire adopter, il justifiait sa position d'une manière révélatrice : « L'avantage du plan, c'est qu'il frappe les masses, qu'il donne cet effet d'action dynamique que vous avez tous ressenti, cet après-midi, lors du défilé harmonieux et ordonné de nos jeunes Toulousains, en chemises bleues ou rouges. Les plus antimilitaristes d'entre nous se sont dit que, dans ces mouvements d'ensemble, il y avait quelque chose de plus puissant en soi que dans un défilé rappelant la marche d'un troupeau » [*25]5. A la même époque, les Jeunesses communistes s'en- chemisaient elles aussi ; on put voir à la fin de juillet 1934, au lendemain de la signature du pacte d'unité d'action, les JS et les JC défiler, les premiers en chemises bleues, les second en chemises kaki, à l'occasion de la commémoration de la mort de Jaurès, organisée en commun par le deux partis ouvriers [*26]6.

De son côté, Pivert ne demeurait pas inactif. C'est lui qui avait « découvert » le Dr Flamme, dont les théories l'avaient séduit. Ses efforts portèrent sur deux points principaux, la création de groupes d'autodéfense, la modernisation de la propagande socialiste. Sur le premier point, il sollicita et obtint le feu vert du congrès de Toulouse, malgré les réticences de la majorité des dirigeants du parti qui envisageaient un double danger et firent préciser dans la résolution concernant les groupes d'autodéfense que ceux-ci ne devaient pas être « la contrefaçon des organisations paramilitaires armées du fascisme », et « pas davantage une troupe de choc contre la citadelle capitaliste » [*27]1. Pivert entreprit de mettre sur pied dans la fédération de la Seine des groupes appelés TPPS (Toujours prêts pour servir), qui avaient pour tâche de « faire face très rapidement, avec une mobilité et un esprit de sacrifice absolus, à des missions multiples d'auto-défense active rendues nécessaires par l'audace croissante de l'ennemi fasciste ». A la différence des JGS qui, selon le mot de Pivert, avaient un « caractère décoratif », les TPPS ne devaient, en principe, pas porter d'uniforme [*28]2. Dans la pratique, si l'on en juge par certaines photographies, une tendance à l'uniformisation est avérée. Dans tous les cas, il est aisé de tracer la limite de l'adaptation paramilitaire du Parti socialiste mais aussi du Parti communiste (où il ne semble pas qu'il y ait eu l'équivalent des TPPS, sinon sous la forme traditionnelle du service d'ordre). A la différence de leurs confrères allemands, les partis ouvriers français ne mirent pas sur pied d'organisations paramilitaires, l'uniforme demeurant cantonné dans les organisations de jeunesses, ce qui signale nettement les écarts de situations et de mentalités.

Pour ce qui concernait la propagande, l'appel lancé par Pivert en faveur d'un « aggiornamento » des méthodes du parti n'était pas isolé, et il ne fut pas sans écho. Au congrès de Toulouse, un militant avait demandé le lancement d'une propagande par affiches et par tracts, plus percutante et plus imagée, sans craindre de prendre exemple sur les groupements de droite [*29]3. Les Jeunesses socialistes allaient s'y employer en diffusant quantité de tracts et en entreprenant des tournées de propagande selon les préceptes du Dr Flamme. Par ailleurs, un certain nombre de méthodes, pour la plupart inspirées de l'exemple communiste, connurent à ce moment-là un  essor remarquable. Ainsi le théâtre ouvrier fut-il intensément mis à contribution ; avec ses chœurs parlés et chantés, ses sketches, sur le modèle de l'agit-prop soviétique alors repris en France par le groupe Octobre (qui était proche du Parti communiste [*30]4), il offrait un moyen approprié pour mobiliser et capter l'intérêt effervescent des masses populaires. Une autre nouveauté fut la création par la fédération de la Seine de comités de diffusion du Populaire, sur le modèle des comités de diffusion de L'Humanité. Ces comités s'équipèrent de tout un matériel de propagande (bannières, insignes, etc.) qui allait servir dans l'organisation des fêtes de l'été 1936 [*31]5.

Une dernière nouveauté fut le recours aux moyens du cinéma. L'affaire n'alla pas sans des difficultés qui illustrent l'écart des conceptions existant entre la minorité activiste de la Seine et les dirigeants du parti. Lors du congrès de Mulhouse en 1935, Pivert rappela qu'il avait rédigé en juillet 1934 un rapport sur l'organisation de la propagande par le cinéma et qu'il avait préparé une circulaire destinée aux fédérations ; il avait par la suite appris que cette circulaire n'avait pas été envoyée par les responsables de l'appareil du parti [*32]6. S'organisant de son côté, il obtint la création par la fédération de la Seine d'un service cinématographique [*33]7. Le premier film de propagande fut tourné en mai 1935, à l'occasion de la cérémonie du Mur des fédérés ; douze autres suivirent en deux ans, consacrés à des organisations du parti {Les Faucons rouges chez eux), à des rappels historiques {la Commune, Les Bastilles 1789-1935), à des fêtes {L'inoubliable manifestation du Vel d'Hiv' du 7 juin 1936; 14 juillet 1936), enfin à des événements dramatiques (L'attentat contre Léon Blum ou La vie et la mort de Roger Salengro). Destinés aux fédérations socialistes qui pouvaient les louer à la fédération de la Seine, ils semblent avoir joui d'une assez large diffusion [*34]1.

Quelques traits — qui valent pour la production cinématographique du PCF — méritent d'être relevés à leur propos. D'abord, la dimension pédagogique, par la référence récurrente aux grands moments révolutionnaires du passé : le parallèle établi suggérait l'existence d'une situation révolutionnaire et jouait comme un encouragement à aller de l'avant, à achever une entreprise séculaire. Ensuite, la célébration de la foule, qui va de pair avec l'élément précédent. Les masses participant aux manifestations monstres de 1935-1936 sont la vedette de ces films : du spectacle (proprement interminable) de leur compacité et de leur écoulement, de leur animation et de leur ardeur, devait émaner une impression de force et de puissance à travers laquelle était visé un effet démultiplicateur. Dans Le Mur des fédérés, le commentateur conclut par cette exhortation : « Travailleurs de France, prenez conscience de votre force majestueuse et invincible » ; dans Le 14 juillet 1935, on entend : « Le peuple a pris conscience de sa force ». Enfin, la désignation concomitante des ennemis à abattre (le fascisme, les 200 familles) et du parti à rallier (les JGS défilant au pas sont soigneusement cadrés, un leader est présenté : dans le second film cité plus haut, venant à la suite d'un appel à rejoindre le SFIO, apparaît en gros plan le visage de Blum, sur lequel viennent s'inscrire en surimpression les portraits de Marx, Guesde, Jaurès, et même de Lénine).

En définitive, même si la propagande du Parti socialiste ne fut pas affectée en profondeur par les méthodes et l'esprit que ces films manifestaient, son aspect n'en changea pas moins pendant ces années 1934- 1936, en tout cas à Paris. On peut le constater, par exemple, dans la décoration de ses congrès, à l'exemple de celui de Huyghens en mai 1936, riche de tentures et de drapeaux, chargé de portraits, d'emblèmes et d'insignes (notamment les trois flèches que l'on voit sur les drapeaux mais aussi à la boutonnière des délégués), solennisé par la disposition de tribunes surélevées [*35]2. Cette politique symbolique se fit sans l'appui déclaré des dirigeants de la SFIO ; mais ils l'acceptèrent néanmoins, et elle trouva une réception qui paraît avoir été largement favorable, signalant qu'elle répondait à une sensibilité ambiante. Ses manifestations les plus frappantes allaient venir avec les grandes fêtes de l'été 1936.

 

Appel communiste des morts

Le PCF pratiqua le recours aux symboles d'une manière plus décidée et plus ample que son rival. Il est vrai qu'il disposait en la Révolution soviétique d'une source d'inspiration directe. Le climat politique français durant les années 1934-1936, le courant de mobilisation populaire existant, mais aussi la nécessité, qui lui était propre, de donner une traduction au tournant tactique considérable qu'il effectuait en raison de l'alliance franco-soviétique, l'incitèrent à pratiquer résolument une politique du symbole. On put le voir dans la campagne qu'il lança dès le lendemain des événements de février 1934. Désireuse de capitaliser à son profit la mobilisation suscitée à gauche par le 6 février, la direction communiste donna la plus large publicité aux victimes de la manifestation de protestation qu'elle avait organisée seule le 9 février et qui avait fait, à la suite de heurts violents avec la police, plusieurs morts et une dizaine de blessés [*36]1. L'Humanité fit un grand battage autour de six de ces victimes, appelant les militants à participer en masse à des obsèques collectives dont le dispositif, soigneusement organisé, avait une évidente finalité de mobilisation émotionnelle. Accompagné de chants funèbres, le convoi fut accueilli au Père-Lachaise par les vétérans de la Commune, dont la présence solennelle répandait sur les circonstances et la cérémonie le souvenir du grand drame révolutionnaire. Avant la descente de chaque cercueil du corbillard, le nom du mort était appelé, puis, alors que le cercueil était placé sur les tréteaux, l'assistance saluait du poing. Les discours qui furent ensuite prononcés parlèrent de lutte et de vengeance, exaltèrent l'héroïsme des militants tombés et appelèrent à suivre l'exemple de la Révolution soviétique. Enfin, tandis que les vétérans de la Commune faisaient, le poing levé, une garde d'honneur autour des cercueils, l'assistance commençait à défiler, drapeaux déployés et en saluant du poing au passage [*37]2.

La direction communiste continua dans les mois suivants à donner le plus grand soin et le plus large écho aux obsèques de victimes de heurts avec l'extrême droite (en février 1935, à l'occasion de la commémoration du 9 février, elle revendiquait 19 morts, dont les liens avec le parti ne sont pas toujours clairs [*38]3). Le PCF cherchait tenacement à apparaître comme la cible privilégiée du « fascisme » et, en retour, comme la seule organisation luttant effectivement contre lui. Deux traits spécifiques doivent être relevés à propos de cette mobilisation mentale. En premier lieu, la référence à la vengeance. Les cris « Nous les vengerons ! » retentissaient dans ces enterrements [*39]4. Lors du premier anniversaire du 9 février, Duclos déclara à propos des militants tombés : « Nous ne les pleurons pas, nous voulons les venger ». Le même numéro de L'Humanité (10 février 1935) portait en encart : « Dix-neuf des nôtres sont morts en combattant... Leur sang a aidé à cimenter l'unité d'action de millions de travailleurs qui luttent pour les venger ».

En second lieu, le serment. En février 1935, à l'enterrement d'un militant CGTU, Gitton appela l'assistance à faire le serment « de suivre la voie de ce fidèle révolutionnaire du mouvement ouvrier » ; selon L'Humanité, « les poings se lèvent et les ouvriers font le serment demandé par Gitton » [*40]5. Exemple-type d'un procédé qui avait une longue tradition et qui était d'un usage fréquent en Union Soviétique, le serment exigeait une implication supplémentaire de la part des militants et visait à souder la communauté autour de la parole donnée. Il allait trouver un emploi spectaculaire à l'occasion du Rassemblement du 14 juillet 1935, dans l'organisation duquel le PCF tint un rôle majeur et qui allait lui donner l'occasion, en adoptant publiquement La Marseillaise, d'accomplir symboliquement le tournant national que lui dictait la signature du pacte franco- soviétique. Le matin de ce jour-là, les milliers de délégués rassemblés aux Assises de la paix et de la liberté entendirent le communiste Rabaté, le secrétaire du comité de Rassemblement populaire, donner lecture du serment du Front populaire. La foule, debout et découverte, répondit : « Nous le jurons ». L'après-midi, lors de la manifestation de masse, le texte du serment, inscrit sur une grande pancarte, fut exposé à la foule qui défilait et qui le saluait en levant le poing [*41]1.

L'importance accordée à la dimension symbolique se traduisit également dans le faste donné aux manifestations durant cette période. Comme celles des socialistes d'ailleurs, les manifestations du PCF prirent un caractère plus voyant et plus solennel, notamment par la participation de groupes d'enfants en uniforme, de Jeunesses, de chorales présentant des chœurs parlés. Les communistes se distinguèrent en faisant en outre défiler des sportifs en vêtements de sport et surtout des ouvriers dans leurs habits professionnels - facteurs ou cheminots en tenue, camionneurs en tablier de cuir -, à travers quoi était rappelée la nature ouvrière du parti et valorisé le monde du travail [*42]2.

Par ailleurs, ils recoururent eux aussi au cinéma, ici encore de manière plus résolue que le Parti socialiste. Au début de 1936, le PCF confia à Jean Renoir le soin de réaliser un film de propagande en vue des élections. Notable par sa qualité cinématographique, La vie est à nous l'est également par sa haute valeur symbolique. Dans une France qui, terre promise par ses ressources et ses potentialités, n'en est pas moins une terre de détresse sociale (un professeur de géographie en loue les richesses à des élèves affamés, fils de chômeurs), le parti intervient de façon providentielle pour sauver du désespoir les déshérités. Dans trois cas exemplaires (licenciement d'un ouvrier âgé, expulsion d'une famille de métayers, chômage d'un jeune technicien diplômé), les protagonistes découvrent leur salut dans une communauté chaleureuse transfigurée par sa mission, le combat politique. Un plan de conclusion les montre dans une réunion du parti, les yeux brillants de ferveur : rédemption d'hommes qui ont trouvé l'accès à la vraie communauté des fidèles. Le film de Renoir atteste par ailleurs l'importance accordée par la direction communiste au support cinématographique ; c'est ainsi qu'on peut y voir s'exprimer les principaux dirigeants du PCF (notamment Cachin, Gitton, Duclos et Thorez). La personnalisation du pouvoir communiste accompagnait logiquement l'importance accordée au symbolisme. Des portraits géants de Staline et de Lénine furent portés dans les manifestations du parti en 1934 ; au Mur des fédérés, en mai 1935, Thorez fit acclamer Staline [*43]3. Le culte de Thorez, qui commence alors, n'allait pas sans le culte concomitant, pour ainsi dire tutélaire, de Staline [*44]4.

 

Les fêtes du front populaire

L'activité scénographique des partis ouvriers atteignit son point culminant dans les fêtes qui marquèrent la victoire électorale du Front populaire. Les manifestations se succédèrent alors à une cadence impressionnante. Les deux partis organisèrent en commun certaines célébrations, ainsi le 24 mai au Mur des fédérés, le 14 juillet à la Bastille pour commémorer le premier anniversaire du Rassemblement populaire, le 25 juillet pour commémorer le deuxième anniversaire du pacte d'unité d'action, le 31 juillet pour commémorer l'assassinat de Jaurès. A quoi s'ajoutèrent les fêtes organisées séparément, le 15 mai (Wagram) et le 7 juin (Vélodrome d'hiver) pour la SFIO, le 14 juin et le 12 juillet (Buffalo) pour le PCF : comme on le voit, la politique s'installait dans les stades, suivant en cela l'exemple fasciste. Rien n'exprime mieux que cette cascade de fêtes et de commémorations qu'un nouveau palier avait été atteint : la victoire électorale aurait-elle tout accompli ? A travers le contenu de ces fêtes, il apparaît qu'elle n'avait pas le même sens pour les deux partis.

Le 15 mai 1936, les socialistes organisèrent une fête de la victoire à la salle Wagram. La tribune drapée de rouge portait les trois flèches et était entourée de bannières et de drapeaux. Les JS entrèrent en chantant La Jeune garde et défilèrent au milieu des poings tendus de l'assistance. Après un discours de Rivet et le chant du Drapeau rouge, les projecteurs se colorèrent de rouge pour annoncer et accompagner l'entrée de Blum, dont le discours fut suivi par le chant de L'Internationale et de La Carmagnole. Le dirigeant socialiste quitta la salle entre une double haie de drapeaux [*45]1. La célébration de Blum se poursuivit dans les semaines suivantes ; au Mur des fédérés le 24 mai, des JS en uniforme défilèrent en portant un portrait gigantesque du dirigeant socialiste entouré d'oriflammes avec les trois flèches [*46]2. Elle fut à son comble lors de la grande réunion du « Vel' d'hiv » du 7 juin 1936, organisée par la fédération socialiste de la Seine pour fêter la constitution du gouvernement de Front populaire.

Le stade était décoré de grandes banderoles portant les trois flèches et des mots d'ordre de combat, de portraits des grands ancêtres (Marx, Louise Michel, Vaillant, Guesde, Jaurès), enfin d'une débauche d'immenses drapeaux rouges ; en son centre, était dressée une large tribune drapée d'écarlate. La réunion débuta par le défilé des drapeaux des sections, suivi par celui des JGS qui allèrent entourer d'une masse compacte la tribune et former une double haie d'étendards le long de l'allée centrale qui y menait. Un chœur parlé du groupe Mars précéda l'entrée des élus et des ministres qui prirent place à la tribune en passant entre les haies de drapeaux. Suivirent des discours, entrecoupés de chants et de morceaux de fanfares. Blum fit enfin son entrée, accompagné de sa femme et de quelques amis, et gagna la tribune « sur un tapis formé par les drapeaux rouges inclinés sur son passage ». Saluant l'assistance du poing tendu, il alla donner l'accolade à Thorez qui représentait le PCF. Après d'autres discours, un speaker invita l'assistance à saluer les grands morts ; les lumières s'éteignirent et la foule debout écouta la voix de Renaudel gravée sur disque raconter la mort de Jaurès (la voix d'un mort - Renaudel avait disparu en 1935 - racontant les derniers instants d'un autre mort). A la fin du disque, un speaker invita à chanter L'Internationale en sourdine, puis, la lumière revenant progressivement, le chant s'amplifia jusqu'à éclater joyeusement. Le moment du discours de Blum était venu, qui devait conclure la soirée.

Peu importe que ce discours ait été tout de modération, en contraste évident avec l'ambiance créée par une mise en scène derrière laquelle on ne s'étonnera pas de retrouver notamment le Dr Flamme [*47]3. Le notable est le passage à cette politique des masses qu'à la suite de l'URSS, l'Italie et surtout l'Allemagne pratiquaient sur une grande échelle, et qui faisait ainsi son arrivée en France ; une politique qui versait dans la liturgie et dans laquelle les masses, par leur présence physique et leur participation émotionnelle, jouaient un rôle essentiel. Rien d'étonnant à ce que le parallèle avec les exemples étrangers ait été immédiatement fait. Ainsi pouvait-on lire le lendemain dans Le Figaro : « Le Front populaire semble fonder de grands espoirs sur les manifestations de masses ornées de chœurs, de fanfares, de défilés en costumes et de parades minutieusement réglées. Le rassemblement monstre qu'il a organisé hier au Vélodrome d'hiver s'inspire évidemment, avec parfois assez d'adresse, des solennelles mises en scène de la Place Rouge comme de celles de Munich et de Berlin » [*48]1. 

Le Parti communiste organisa lui aussi une fête de la victoire, le 14 juin, au stade Buffalo. Sur le terrain du stade avait été installée une espèce de ponton surélevé en forme de croix, qui servit de parcours de défilé au milieu de la foule. Autour du point de jonction, quatre grands mâts portaient d'immenses drapeaux rouges timbrés de tricolore dans leur coin supérieur gauche et ornés en leur centre d'une faucille et d'un marteau encadrés des lettres « RF ». La fête fut composée de défilés, de chœurs, de morceaux de fanfares, le tout entrecoupé de discours ; à la différence de la réunion socialiste, on vit des mouvements d'ensemble, des exercices sportifs et des danses rythmiques exécutés par des gymnastes. Relevons par ailleurs deux éléments distinctifs. Dans son discours, Gitton évoqua les antifascistes tués depuis le 6 février et fit l'appel des morts, suivi d'une minute de silence : « Des poings se crispent », des cris montent : « Nous vengerons nos camarades ! », puis on chanta l'hymne funèbre Salut aux morts de la Révolution. Ensuite, Vaillant-Couturier donna lecture d'un serment de fidélité que les élus et les militants allaient prêter au parti : « La foule répète le serment en levant le poing aux cris répétés de " Nous le jurons ! " » [*49]2.

On voit qu'il existe des différences sensibles entre les deux fêtes, malgré une commune recherche scénographique. L'une et l'autre étaient des fêtes de victoire, mais la fête socialiste s'accomplissait dans une pure célébration. Ainsi commémorait-elle Jaurès, un mort lointain, dans une émotion en quelque sorte idéale, tandis que la fête communiste installait, au cœur même de la célébration de la victoire, la commémoration des victimes toutes proches de la lutte antifasciste. La première aboutissait à produire, par le moyen d'une technique de masse plus manipulatrice que celle mise en œuvre par le PCF, moins démarquée de l'exemple fasciste (pensons à la place tenue à Buffalo par les gymnastes, au caractère plus traditionnel du défilé qui, au surplus, avait lieu au milieu de la foule), une émotion qui s'assouvissait dans la joie présente, faute de pointer vers un projet révolutionnaire. La seconde montrait au contraire le souci profond de regrouper les forces pour une tâche qui était à venir : le serment et l'évocation des morts de la lutte antifasciste débouchaient naturellement sur la revendication d'une « république française des soviets ».

 

Le symbole, substitut à la révolution?

Les limites du flot symbolique des années 1934-1936 sont évidentes, mais elles ne le rendent pas moins notable. Sa signification la plus immédiate est d'avoir constitué un mouvement de réponse, et un mouvement de réponse spécifique, à ce qui semblait être la menace du fascisme. Son caractère de réplique est patent dans les solutions adoptées (le poing levé, les défilés de masses, l'uniformisation partielle), ces mesures imitatives s'insérant elles-mêmes dans une tendance plus large qui amena les deux partis marxistes à accentuer la dimension symbolique de leur action politique, à rechercher, avec une résolution certes inégale où se reflétait l'inégale intensité de leur engagement révolutionnaire, les moyens de rehausser leurs pouvoirs d'attraction, de réunion, de transfiguration. Cette tendance s'accomplit d'autant plus facilement qu'elle répondait à une forte demande, à un courant d'attentes de la part d'une bonne partie de la gauche populaire, et le succès rencontré est révélateur d'un climat d'inquiétude et de désarroi qui poussait à un engagement politique marqué au sceau de la foi et de l'espérance.

Encore faut-il voir la signification plus profonde de cette activation symbolique. Sans doute permit-elle aux deux partis ouvriers, à la fois de stimuler la mobilisation populaire et de la canaliser dans le cadre de leurs organisations. Mais elle indique bien davantage : largement démarquée d'exemple étrangers, avant tout allemand et russe, elle leur servit en quelque sorte à compenser la défaite de leurs camarades allemands. Dans les conditions de la France de ces années, la combativité affirmée dans le rituel du poing levé fut le substitut d'un combat de rue (quasi) absent, conformément à la nature de cet affrontement-simulacre qu'a défini Serge Berstein et qui est caractéristique des années 1930 [*50]1. Dans cette perspective, le caractère festif de l'été 1936, tel qu'il se manifesta jusques et y compris dans le mouvement d'occupation d'usines de mai-juin, apparaît à la fois comme le débouché de la mobilisation populaire des deux années précédentes et comme l'attestation la plus sûre de sa nature non révolutionnaire, au niveau des masses comme des partis, de sorte que toute cette poussée symbolique doit être aussi appréhendée dans sa dimension de substitut à la révolution [*51]2.

C'est au fond ce qu'elle révèle dans l'exhumation faite alors de la tradition révolutionnaire française. La symbolique de cette dernière fit l'objet d'une réappropriation emphatique qui donne à l'expérience du Front populaire son cachet spécifique. A partir de l'été 1935, il n'est question, à l'accompagnement de La Marseillaise et de La Carmagnole, que de Bastilles nouvelles à prendre et d'aristocratie des « 200 familles » à abattre. Il est bien connu que le Parti communiste fut l'agent principal de cette « résurrection des morts », et l'on est tout naturellement ramené à Marx écrivant que la révolution sociale « ne peut pas commencer sa propre tâche avant de s'être débarrassée de toute superstition à l'égard du passé » ; c'était le propre des révolutions du passé, ajoutait- il, que d'avoir eu « besoin de réminiscences historiques pour se dissimuler à elles-mêmes leur propre contenu » [*52]3. Les « réminiscences historiques » propagées par le PCF avaient précisément valeur idéologique, au sens marxiste du terme. La référence jacobine disait en somme que le PCF ne voulait pas tenir la situation française pour révolutionnaire ; davantage, elle révélait sa fausse conscience : celle que produisait le déplacement de sa mission, de la réalisation de la révolution prolétarienne en France à la protection de la Révolution soviétique à travers une politique de défense nationale. En haussant en modèle la France de 1792, où révolution sociale et indépendance nationale étaient allées de pair, les dirigeants du PCF conjuraient la réalité d'une situation où l'une excluait l'autre.

 

Philippe Burrin

source : Burrin Philippe. Poings levés et bras tendus. la contagion des symboles au temps du front populaire. In: Vingtième Siècle, revue d'histoire, n°11, juillet-septembre1986. Nouveaux enjeux d'une décennie : fascismes, antifascismes, 1935-1945. pp. 5-20;
doi : https://doi.org/10.3406/xxs.1986.1481
https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1986_num_11_1_1481

 

 

 

 

Notes

[*1]1. Cité par Eric J. Hobsbawm, Les primitifs de la révolte dans l'Europe moderne, Paris, Fayard, 1966, p. 189. 

[*2]2. Karl Marx, Le dix-huit brumaire de Louis Bonaparte, Paris, Messidor, Editions sociales, 1984, p. 71-72.

[*3]3. Ainsi encore, au congrès SFIO de Toulouse en mai 1934, l'ouverture du congrès voit un groupe de Faucons rouges (l'organisation socialiste des enfants) entrer en chantant et aller jeter des brassées de coquelicots sur le buste de Jaurès (SFIO, XXXI' congrès national, Toulouse, 20-23 mai 1934, compte rendu sténographique, Librairie populaire, 1934, p. 9). Sur le 1er mai et le drapeau rouge, cf. les études de Maurice Dommanget, Histoire du premier mai, Paris, Société universitaire d'éditions et de librairie, 1953, et Histoire du drapeau rouge, des origines à la guerre de 1939, Paris, Editions Librairie de l'étoile, 1966. 

[*4]4. Patrick H. Hutton, The cult of the revolutionary tradition. The Blanquists in French politics, 1864-1893, Berkeley, University of California Press, 1981.

[*5]1. Cité in Histoire générale du socialisme, sous la direction de Jacques Droz, Paris, PUF, 1972, tome 1, p. 397.

[*6]2. Hitler rappela avec chaleur dans Mein Kampf les fréquentations religieuses de son enfance, qui lui donnèrent l'occasion de « s'enivrer de la pompe magnifique des fêtes religieuses » (Paris, Sorlot, 1934, p. 19). Sur la symbolique nazie, cf. Hans-Jochen Gamm, Der Braune Kult. Das Dritte Reich und seine Ersatzreligion. Ein Beitrag zur politischen Bildung, Hambourg, Rütten und Loening Verlag, 1962.

[*7]1. James D. Diehl, Paramilitary politics in Weimar Germany, Bloomington, Indiana University Press, 1977.

[*8]2. Karl Rohe, Das Reichsbanner Schwarz Rot Gold, Düsseldorf, Droste Verlag, 1966. 

[*9]3. Diehl, Paramilitary politics..., op. cit., p. 295. 

[*10]4. Kurt G.P. Schuster, Der Rote Frontkämpferbund 1924-1929. Beiträge zur Geschichte und Organisationsstruktur eines politischen Kampfbundes, Düsseldorf, Droste Verlag, 1975, p. 41, note 1.

[*11]1. Diehl, Paramilitary politics..., op. cit., p. 188. 

[*12]2. Hildegard Pleyer, Politische Werbung in der Weimarer Republick, thèse, Université de Münster, 1959, p. 82 et suiv.

[*13]3. Cf. le panorama dans Weimarer Republik, Kunstamt Kreuzberg, Berlin, Cologne, Elefanten Press, 1977, p. 438 et suiv.

[*14]1. Schuster, Der Rote Frontkämpferbund 1924-1929, op. cit., p. 82-83. 

[*15]2. Rohe, Das Reichsbanner..., op. cit., p. 395 et suiv. 

[*16]3. Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande politique, Paris, Gallimard, 1952, p. 265 et suiv.

[*17]1. Par exemple, L'Humanité, 20 août 1933, p. 2 ; 24 septembre 1933, p. 2.

[*18]1. Herriot stigmatisa en octobre 1934 ceux qui, « à la façon des nazis ou des fascistes, inventent pour imiter le geste du bras levé celui du poing tendu, s'arment d'insignes et nous acheminent vers l'époque où l'opinion d'un citoyen se reconnaîtra à la couleur de sa chemise » (cité par Georges et Edouard Bonnefous, Histoire politique de ta Troisième République, Paris, PUF, 1956-1967, tome 5, p. 283).

[*19]2. Cf. Jean-Paul Joubert, Révolutionnaires de la SFIO : Marceau Pivert et le pivertisme, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977. 

[*20]3. SFIO, XXXI' congrès national, Toulouse, 20-23 mai 1934, compte rendu sténographique, Librairie populaire, 1934, p. 54.

[*21]1. Ibid., p. 263. 

[*22]2. Règles statutaires dans Rapports administratifs du Comité national mixte des Jeunesses socialistes, conférence nationale, 28 et 29 juillet 1935, p. 34. 

[*23]3. SFIO, Fédération de la Seine, Congrès fédéral, 55e congrès administratif, 24 juin 1934, p. 81. 

[*24]4. Selon l'indication fournie par le défilé au Mur des fédérés en mai 1936, Le Populaire, 25 mai 1936, p. 3.

[*25]5. XXXI' congrès national, op. cit., p. 181-182. 

[*26]6. L'Humanité, 30 juillet 1934.

[*27]1. XXXIe congrès national, op. cit., p. 394. 

[*28]2. SFIO, Fédération de la Seine, Congrès fédéral, 56e congrès administratif, 26-27 octobre 1935, rapport du secrétaire à l'auto-défense (M. Pivert), p. 108-109. 

[*29]3. XXXIe congrès national, op. cit., p. 26.

[*30]4. Michel Faure, Le groupe Octobre, Paris, Christian Bourgois, 1977. 

[*31]5. Le Populaire, 16 mai 1936. 

[*32]6. XXXIIe congrès national, Mulhouse, 9-12 juin 1935, p. 29, 83-84. 

[*33]7. Rapport du secrétaire à la propagande, Congrès fédéral, 1935, op. cit., p. 108.

[*34]1. Cf. la présentation faite par Elizabeth Grottle Strebel, French social cinema of the nineteen thirties : a cinematographic expression of Popular Front consciousness, New York, Arno Press, 1980, p. 180 et suiv. (un ouvrage qui mériterait d'être traduit et diffusé en France) ; du même auteur, « French social cinema and the Popular Front », Journal of Contemporary History, 12, juillet 1977, p. 499-519. Ces films sont très difficiles à trouver ; quelques-uns d'entre eux sont visibles à la Cinémathèque suisse à Lausanne, notamment deux films tournés par la fédération de la Seine SFIO (Le Mur des fédérés et L'immense rassemblement populaire du 14 juillet 1935 à Paris) et trois films produits par le PCF (La vie est à nous, 1789-1937, le 14 juillet et Le voyage de Maurice Thorez en Algérie).

[*35]2. Le Peuple, 31 mai 1936, p. 3 ; photos dans Le Populaire, 31 mai 1936, qui attribue la décoration aux JS.

[*36]1. Serge Berstein, Le 6 février 1934, Paris, Gallimard - Julliard, 1975, p. 238 (coll. « Archives »). 

[*37]2. L'Humanité, 18 février 1934, p. 2. 

[*38]3. Ibid., 10 février 1935.

[*39]4. Ibid., 28 février 1934, 5 mars 1934. 

[*40]5. Ibid., 14 février 1935, p. 5.

[*41]1. Le Populaire, 15 juillet 1935, p. 4 ; L'Humanité, 15 juillet 1935, p. 2 ; cf. aussi le film du PCF, 1789-1937, le 14 juillet. 

[*42]2. L'Humanité, 11 février 1935.

[*43]3. Ibid., 17 mai 1934 ; 30 juillet 1934, p. 2 ; 20 mai 1935. 

[*44]4. Cf. l'exemple donné par Jean-Pierre Jeancolas, 15 ans d'années trente. Le cinéma des Français, 1929-1944, Paris, Stock, 1983, p. 205. Sur le cinéma communiste, cf. aussi Pascal Ory, « De Ciné-Liberté à La Marseillaise. Espoirs et limites d'un cinéma libéré », Le Mouvement social, 91, avril- juin 1975, p. 153-175.

[*45]1. Le Populaire, 16 mai 1936, p. 1 et 2. 

[*46]2. Ibid., 25 mai 1936, p. 3.

[*47]3. Ibid., 8 juin 1936, p. 3.

[*48]1. Georges Ravon, « Le Front populaire manifeste au Vélodrome d'hiver », Le Figaro, 8 juin 1936. 

[*49]2. L'Humanité, 15 juin 1936, p. 2-3 ; Le Populaire, 15 juin 1936, p. 3.

[*50]1. Serge Berstein, « L'affrontement simulé des années 1930 », Vingtième siècle. Revue d'histoire, 5, janvier-mars 1985, p. 39-53. 

[*51]2. Une révolution devenue fantomatique chez les socialistes, temporairement inopportune pour les communistes. Philippe Burrin a soutenu l'an passé à l'Institut des hautes études internationales de Genève une thèse de doctorat qui paraîtra cet automne aux Editions du Seuil sous le titre : La dérive fasciste. Doriot, Déat, Bergery. Il a publié deux articles remarqués dans Le Débat, en novembre 1984 et janvier 1986.

[*52]3. Le dix-huit brumaire de Louis Bonaparte, op. cit., p. 72.

 

 

Philippe Burrin - Poings levés  et bras tendu - La contagion des symboles au temps du Front Populaire - Revue Vingtième siècle 1986n11
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