Petite fable du gilet jaune et de sa voiture

Petite fable du gilet jaune et de sa voiture.

Tout le monde sait bien qu'il n'est pas possible de vendre une voiture individuelle à chacun sur cette planète (ne serait-ce que parce qu'il est déjà matériellement impossible de les produire), mais tous les décideurs font comme si cela l'était. Tout le monde sait bien qu'il n'est pas possible de mettre tous les humains de la planète au travail pour produire ces voitures, mais tous les décideurs font comme s'il n'y avait pas d'alternative. Tous les décideurs sont persuadés que si nous ne nous plions pas à ces impératifs, ce sera la fin du monde ! Cherchez l'erreur. Pendant l'époque du capitalisme flamboyant des dites 30 glorieuses, chaque Etat voulait avoir sa propre voiture, que ce soit directement comme dans les pays de l'est, ou bien avec l'aide d'un champion. Et ma foi, cela a plutôt bien marché pendant quelques années. Seulement voilà, il y a eu des petits malins parmi ces champions nationaux qui se sont dit qu'ils pouvaient produire des voitures pour leur propre compte, non seulement à destination de leur Etat de tutelle, mais aussi pour les voisins. Et ainsi, de fil en aiguille, à force de concentration des usines et d’automatisation des procédés tout autour de la planète, les Etats sont devenus des simples marchés anonymes, au mieux des sous-traitants. Mais il faut maintenir la façade : il faut continuer à faire croire que tout le monde veut sa voiture, que tout le monde travaille pour l’obtenir et que tout le monde participe à sa production. Il faut continuer à faire croire que les anciens champions sont encore des champions nationaux malgré le fait qu’ils privent de travail de plus en plus de monde dans leur pays d’origine mais aussi dans les autres pays où ils sévissent comme des parasites. Mais il ne faut surtout pas le dire : il faut continuer à marteler sur tous les tons que s’il y a du chômage c’est seulement parce que les gens ne veulent pas travailler et pas du tout parce que les fabricants de voiture n’ont plus besoin d’eux pour les construire. L’essentiel est de continuer à faire croire que le rêve d’une voiture pour tous et d’une participation de tous à sa fabrication reste valable, quitte comme aujourd’hui à obliger les gens à faire semblant de travailler pour construire des voitures imaginaires. Le problème, c’est qu’à force de faire semblant de travailler, on n’a plus non plus les moyens d’acheter les vraies voitures dont tout le monde a maintenant besoin parce que tout le reste a été supprimé. Et c’est là que les gilets jaunes entrent en scène en objectant qu’il y a quand même un os quelque part.

Louis – Colmar 13 février 2019

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